De la couleur des reines-roses
C'était un jour maussade, au retour de Montélimar, j'ai décidé de m'arrêter dans cette jolie ville qu'est Grignan, c'était jour de marché...et de pluie... Encore !
C'était un jour pour s'abreuver des roses de la ville, pas encore toutes écloses, ces princesses au port de tête odorant pour la plupart.
Elles se parent de couleurs aussi tendres que passionnelles, et dans mes yeux humides d'une émotion et d'une chute naissantes, je me suis laissée attrappée par leurs pétales-caresses.
Il y a dans le port de tête des belles la douceur des images d'un autre temps, mais aussi la flamme d'une passion des corps effervessant et fusionnels.
Fières jusqu'au bout de leurs tiges acérées, elles se font mur ou ombrelle et gardent dans leur coeur l'eau-vie.
Ce jour là serait celui du jour d'avant, celui où j'ai perdu la face.
C'était la veille du jour où même physiquement, même au plus profond de mon ventre la brûlure s'est faite envahissante.
Ces jours passés, il faudrait que je n'y pense pas, faire comme si rien n'avait jamais eu lieu...
Trop tard, c'est écrit...
Et aujourd'hui c'est une entaille de plus sur mes genoux à peine refermés.
J'ai laissé la carapace m'envelopper pour ne plus être touchée avant longtemps...
Et pourtant la couleur m'allait bien
J'ai coupé mes griffes et enfermé mes mains dans un cocon pour ne plus toucher, ne pas blesser, me croire responsable d'un échec qui m'anéantit.
Peut-être qu'il faut du temps pour être soi, prêt à accueillir et offrir sans peur...
Peut-être aussi qu'il faut relever les épaules, tourner le dos à ce qui a entaillé et regarder devant, juste devant soi.
"Le parfum de mille roses ne plait qu'un instant ; mais la douleur que cause une seule de leurs épines dure longtemps après la piqûre"
Jacques Henri Bernardin de Saint Pierre